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23 janvier 2016 ALGER Dar El Djazaier SAFEX

Premier congrès du SYNAA

PLAIDOYER POUR UNE POLITIQUE ARCHITECTURALE EN ALGERIE

« L’architecture une culture à construire »

Le premier congrès triennal du SYNAA tenu le 23 janvier 2016 a été l’occasion de constater que parler d’architecture est toujours rassembleur pour croire au dessein d’un art et d’une discipline.  Un rendez-vous que le SYNAA conçoit dès à présent comme une opportunité d’échange et d’information sur tout ce qui a trait à la profession d’architecte en particulier et à l’architecture en général.

Notre vision « dessein pour l’avenir » est surtout empreinte de la ferme conviction que l’architecture est l’aboutissement d’un acte de création que le législateur doit clairement affirmer comme l’émanation d’une culture tout en la consacrant d’intérêt public.

La création n’est pas reconnue à l’architecture dans la loi relative à la production architecturale et à l’exercice de la profession d’architecte, le législateur y faisant l’économie d’une définition explicite de l’architecture dénotant clairement d’une inclination à la culture du passé, ce qui en soi est fondamental, mais bien aux dépens d’une production culturelle plus dynamique tournée vers l’avenir, qui permettrait le maintien de l’identité culturelle par son adaptation continue à un monde en perpétuel changement, et que soutiendraient l’élan et le souffle de la création, l’identité étant une construction continue à partir de racines, et qui procède par innovations et par ruptures .

Sur le terrain de la pratique il en découle que les responsabilités sur un acte éminemment culturel s’effacent devant des pratiques de production de bâtiment qui constituent de véritables entraves au développement de la qualité architecturale, banalisant le fait pour le réduire à sa seule dimension technique, l’architecture ne préfigurant plus une volonté de création, un moment privilégié de célébration et d’accomplissement culturels et sociétaux.

La loi définit l’architecture comme une expression de la culture, elle doit donc retrouver cette vocation. Cela passe par un engagement plein de tous les acteurs de « l’acte de bâtir ».  Des pouvoirs publics aux professionnels en passant par la formation et la société civile et cela en revalorisant des pratiques qui malheureusement sont loin de répondre à cet absolu, car il ne peut y avoir d’architecture sans volonté politique, sans partenariats et sans exigences de qualité.

Au sein du SYNAA nous œuvrons résolument à sensibiliser tous les acteurs et les parties prenantes dans la promotion de l’architecture pour la replacer au centre des enjeux culturels du pays.

Nous interpellons les pouvoirs publics pour initier une action gouvernementale pour la mise en place d’une véritable politique pour l’architecture. Une politique qui s’édifierait sur une base de principes mettant la pratique de l’architecture à l’abri du jeu biaisé d’agents l’impactant négativement. 

 

Nous avons, depuis la création de notre organisation syndicale il y a trois ans, tenu à sensibiliser à ces aspects par une série de revendications légitimes, inscrivant notre action dans ce qui tendrait à esquisser les contours d’une politique architecturale que nous voudrions voir se matérialiser avec le concours de tous les partenaires tant dans les sphères de décision qu’au sein de la société civile.

Ne pas laisser la profession d’architecte se morfondre dans des conditions économiques étriquées par la mise en place d’une politique de rémunération à la hauteur des attentes a été notre première revendication, car la rémunération des prestations architecturales est loin des minimas requis pour une pratique architecturale répondant à un minimum de qualité.

Le SYNAA a attiré l’attention par une deuxième revendication qui rejette le travers d’une politique univoque du secteur de l’Habitat qui fait de l’Etat promoteur immobilier un générateur de contradictions. Placé en amont et en aval de la chaine, l’Etat à la fois programmateur, bailleur, contractant et vendeur finit par se retrouver forcément impliqué dans des préoccupations d’opérateur économique qui empiètent sur sa qualité de garant des lois.

C’est ainsi que le SYNAA considère comme déviance la formule étude et réalisation qui place l’architecte sous la coupe d’une entreprise qui engendre des dilutions de responsabilités et relègue au second plan une pratique relevant avant tout d’une déontologie en l’enchainant à des préoccupations de gains et d’économies imposées par une logique d’entreprise. 

La troisième et la quatrième revendication du SYNAA portant sur la valorisation du concours d’architecture, s’étaient inscrites dans ce que nous considérons aussi comme l’un des piliers d’une vraie politique architecturale : rendre les mécanismes de la commande architecturale plus opérants avec des objectifs de qualité notamment en ce qui concerne la commande publique.

Le concours d’architecture doit être un moment privilégié où il est fait honneur à l’esprit d’émulation et à la compétition intellectuelle avec l’objectif de production d’un cadre de vie de qualité pour le citoyen algérien.

Cela ne saurait se réaliser sans la mise en place de garde-fous règlementaires engageant la maîtrise d’ouvrage, notamment publique, en budgétisant systématiquement les consultations d’architecture de manière à indemniser les équipes concourantes et, en accompagnant l’opération par un plan de communication et d’information sur les équipes retenues, la qualité du jury, rendant notamment le plus possible à la connaissance du public les projets retenus en impliquant par là même la société civile sur les projets d’intérêt commun.

Or, il se trouve qu’aujourd’hui le lancement d’un concours d’architecture n’engage absolument en rien son organisateur, ni financièrement ni même moralement, et que l’aboutissement à « l’infructuosité » d’une consultation d’architecture est quasi systématique et vécu comme une formalité, les prestations architecturales se trouvant noyées dans la froideur de la gestion administrative de l’offre qui est loin de mettre en exergue l’importance de l’évènement de faire concourir des hommes de l’art.

Il est clair que tout cela ne saurait se corriger sans la promotion d’une maîtrise d’ouvrage de qualité, qu’il y a lieu de concevoir comme un savoir-faire et une mission exercée par des professionnels multidisciplinaires répondant de plus en plus à un niveau de maîtrise des plus exigeants et à la pointe des connaissances.

L’environnement législatif en étant dépourvu, nous appelons à la mise en place d’un texte règlementaire cadrant la maîtrise d’ouvrage publique de manière à mettre à la disposition des gestionnaires de la commande publique un outil assurant un encadrement plus efficient dans le pilotage des projets.

L’assainissement des pratiques dans le processus de la commande architecturale est la pierre angulaire de la politique architecturale que nous souhaiterions voir défendre par les pouvoirs publics en charge de l’architecture.

La question de l’architecture est un défi civilisationnel qui n’est certainement pas l’apanage des professionnels.  C’est celui de l’Etat d’abord et des représentants de la société civile, voire de la société dans son ensemble.

Pour l’Etat cela ne peut se traduire que par une volonté d’architecture que porterait une politique à défendre par les pouvoirs publics au plus haut niveau de décision.

La forte charge symbolique de l’architecture anticipe très souvent le fait culturel et devient vecteur d’une dynamique économique considérable. Mais encore faut-il qu’elle soit sou tendue par un désir d’architecture, et là c’est avant tout le politique qui l’exprime et c’est ce que le SYNAA appelle de ses vœux.

Retenons que l’architecture est une belle histoire où le symbole dispute sa place au réel dans une symphonie de vie. Œuvrons donc à la rattacher à ce qu’elle a de plus noble : tout simplement un acte de création et une expression de la culture, et à la reconduire sur les sentiers de l’art où se mêlent les traits qui la dessinent comme pour enchanter des perspectives d’un monde où enfin rêver n’est pas interdit.

Pour le SYNAA

Achour MIHOUBI, Président.